L'enquête photographique en Valais (1989 - 2005)

Historique

↓ Menu

 

↓ Rechercher

 

Historique

↓ Index


Membres fondateurs de l'Enquête photographique
Martigny, 15 décembre 1988
© Robert Hofer

Emission de la TSR sur l'exposition "Préliminaires"
Martigny, 28 mars 1989
© Bernard Dubuis

Conférence sur l'exposition "Préliminaires"
Martigny, 15 mars 1989
© Bernard Dubuis

Emission de la TSR sur l'exposition "Préliminaires"
Martigny, 23 mars 1989
© Bernard Dubuis

 

La construction d’une mémoire

↓ Jean-Henry Papilloud, directeur de la Médiathèque Valais - Martigny

Le lancement de l’Enquête photographique en Valais a été rondement mené. Quelques mois seulement séparent les premières discussions de 1988 de l’exposition Préliminaires. Le terrain est, à dire vrai, déjà bien préparé et une conjonction de facteurs favorables facilite la réalisation de l’idée. Comme le dit justement Robert Hofer «à la base de ce projet, il y a d’abord les volontés individuelles des photographes qui désirent faire des images qui leur tiennent réellement à cœur et qu’ils ne vont pas forcément mener à bien dans le cadre strict de leur métier». De fait, la fondation de l’Enquête est marquée par la rencontre de trois photographes, Robert Hofer, Bernard Dubuis, Jean-Claude Brutsch et d’un historien, Jean-Henry Papilloud, qui vient d’être nommé à la direction du tout nouveau Centre valaisan du film installé à Martigny.

Issu du monde de la presse où tout doit aller vite, Robert Hofer est en quête de temps, d’images réfléchies qui ne sont pas uniquement liées à l’actualité immédiate. Bernard Dubuis, à côté des commandes, est sensible au passage du temps; il en prend pour réaliser une œuvre personnelle marquée par des travaux de longue haleine. Le troisième homme, Jean-Claude Brutsch, vient de Genève pour enregistrer, avec sa chambre grand format, les images qui lui semblent emblématiques du Valais actuel. La publication d’une double page sur son programme «d’inventaire instantané de notre présent», dans Le Nouvelliste du 19 février 1988, précipite les choses. En révélant l’existence de projets similaires, elle donne à chacun l’occasion de préciser ses idées et de les confronter à celles des autres.

La première rencontre a lieu au Centre valaisan du film qui entreprend une démarche pionnière dans la conservation et la mise en valeur du patrimoine audiovisuel. Les trois hommes d’images et l’historien sont sur la même longueur d’onde. Pour tous, le médium photographique est essentiel, car il donne un reflet large et ouvert de la réalité. La nouvelle génération de photographes, qui s’affirme, a des idées et de l’ambition, mais elle n’a pas accès à une tribune pour s’exprimer. Les revues locales, moribondes ou désorientées, n’offrent plus beaucoup d’espace à la création originale et les journaux sont trop pris par le quotidien pour s’intéresser à des images d’une réalité qui ne bat pas au rythme de l’actualité.

Les fameux exemples de la Mission héliographique française de 1851, la Farm Security Administration qui documente la misère de l’Amérique profonde des années 1930, et plus près encore, la Mission photographique de la Datar finissent d’exalter les esprits.

Ne disposant pas d’un organisme prêt à assumer l’opération, le groupe décide de se lancer et il opte pour une solution pragmatique basée sur la mise en commun d’initiatives individuelles. La preuve par l’acte est préférée aux longs tours de table et aux démarches administratives. Pour donner un aperçu du but visé, l’idée s’impose de mettre sur pied une exposition, qui montrerait à la fois des travaux spécialement réalisés à cette fin et des éléments existants, exemplaires de la démarche. Le président de la Ville de Martigny, Pascal Couchepin, donne le premier coup de pouce en finançant le travail de Jean-Claude Brutsch sur l’usine des produits azotés des Vorziers. La Délégation valaisanne à la Loterie romande et l’Office fédéral de la culture suivent et permettent l’achat de tirages existants de Bernard Dubuis sur le Rhône et la commande de portraits de musiciens à Robert Hofer. Afin d’introduire des reportages liés à une actualité significative, Oswald Ruppen – qui rejoint le groupe – met à disposition sa vision de l’élection de Monique Paccolat, première présidente du Grand Conseil. Cette approche est complétée par les regards croisés que Bernard Dubuis et Robert Hofer portent, le 30 juin 1988, sur la consécration de quatre évêques par Mgr Lefebvre, cérémonie qui marque la rupture entre la hiérarchie catholique et la communauté traditionaliste d’Ecône.

L’invitation au vernissage de l’exposition Préliminaires résume l’ambition du projet: «Le Valais vit depuis quelques décennies une transformation profonde qui touche aussi bien l’économie que les modes de vie, les mentalités que les comportements. Fixer, montrer et conserver les traces de cette évolution, c’est le but que s’est assigné un groupe de photographes en lançant le projet d’une vaste enquête photographique en Valais…».

En parallèle aux travaux inscrits sous le label de l’Enquête, le Centre valaisan du film présente le travail de précurseurs qui illustrent l’histoire de la photographie en Valais : Pantaleon Binder, Albert Nyfeler, Raymond Schmid, Charles Paris, Charles Krebser et les photographes de la revue Treize Etoiles dont les archives sont alors déposées.

D’emblée, les médias perçoivent l’enjeu. Ils accordent une belle couverture à l’événement. Ainsi, Jean-Claude Péclet, dans L’Hebdo du 13 avril 1989, résume bien la donne: «Un canton en mutation échappe à la logique du clic-clac et pose les bases de la documentation de longue haleine pour esquisser la mémoire visuelle de l’an 2000».

Les premières retombées de cette action d’éclat ne tardent pas. Plusieurs opportunités permettent à l’Enquête d’entamer la réalisation de ses objectifs. Il s’agit de sujets ponctuels, comme le suivi des commémorations de la Mobilisation, qui jouent sur le lien entre les générations de la guerre et celles d’aujourd’hui. Cinq photographes assistent aux différentes manifestations et en rapportent des reflets qui montrent l’importance de la mémoire dans le monde actuel.

L’approche de l’Enquête suscite l’intérêt de groupes et d’institutions qui ressentent le besoin d’une réflexion critique sur l’image du Valais à l’extérieur. Ainsi, les photographes sont invités à donner une vision plus moderne du Valais dans le cadre de la foire française de la Roche sur Foron où le canton est hôte d’honneur.