L'enquête photographique en Valais (1989 - 2005)

Historique

↓ Menu

 

↓ Rechercher

 

Le Valais dans le miroir de l’Enquête

↓ Jean-Henry Papilloud, directeur de la Médiathèque Valais - Martigny

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les autres travaux proposés par les auteurs au bureau de l’Enquête et qui s’inscrivent dans l’inventaire. Au total, les 163 reportages constituent autant de pièces d’un puzzle qui s’est construit autour d’idées, de débats et, surtout, d’opportunités.

Ce n’est sans doute pas un hasard si l’Enquête voit le jour et trouve un écho favorable dans les années 1980. Le Valais entre alors dans une nouvelle phase de son développement. Comme beaucoup de régions du monde occidental, il a vécu plusieurs grandes périodes de changements. Celle qui le marque à ce moment-là constitue aussi son entrée irréversible dans un monde définitivement planétaire. Les modes de vie et de pensées ne sont plus très différents de Brigue à Monthey et ils sont en résonances avec ceux de Bonfol, Namur ou Ajaccio.

Dans les paysages comme dans les différents domaines de la vie économique et sociale, l’Enquête a donc trouvé des sujets pour illustrer un propos cohérent qui, loin de réduire le monde réel, a essayé de le rendre dans toute sa complexité et ses contradictions. Pour mener à bien son projet, elle a eu la chance de disposer d’un riche champ d’observation, mais elle a dû aussi mobiliser des forces importantes.

En feuilletant ces 380 pages qui rassemblent une sélection représentative des images de l’Enquête, on ne peut être que frappé par la variété des approches et des regards. Cette diversité est la résultante de plusieurs facteurs qui se complètent et se multiplient. Elle est d’abord dans le regard des photographes qui viennent d’horizons géographiques et professionnels différents; sur les trente-six qui signent des œuvres, la proportion des Valaisans est relativement modeste et ne dépasse pas la moitié. Une forte cohorte vient de Genève, puis de Vaud, Berne… Assurément, il ne s’agit pas d’un travail d’autochtones qui se regardent le nombril.

A la deuxième lecture, on perçoit que le fil conducteur, qui n’était guère visible dans l’enchevêtrement et la superposition des reportages, commence à apparaître et à s’imposer avec toujours plus d’évidence. Avant tout, c’est le vivant, l’humain, qui capte l’attention. Loin des travaux conceptuels, la démarche est marquée par une époque où l’influence du reportage classique est encore vive. Compte tenu aussi des moyens à disposition, l’Enquête a concentré les regards sur la société valaisanne, s’attachant ainsi à montrer ce que les photographes, dans leurs travaux courants, ont moins le temps de faire. A contrario, on n’y trouvera pas les grands travaux, tels que les aménagements hydro-électriques, les tunnels ou l’autoroute. Ceux-ci font l’objet d’un suivi assuré par les constructeurs eux-mêmes et souvent commandés aux photographes qui participent à l’Enquête.

Et c’est alors que l’on prend véritablement conscience que la démarche, apparemment improvisée de l’Enquête, aboutit à une construction raisonnée d’une mémoire à plusieurs facettes. Le fait que ce travail soit mené par un bureau réunissant des manières de réfléchir et de voir convergentes n’est sans doute pas étranger à cette rencontre sur une ligne faîtière qui supporte le tout comme une colonne vertébrale.

La manière dont ce livre en forme de bilan transitoire a été conçu et présenté laisse volontairement la porte ouverte à la réflexion de chaque lecteur. Désormais, il lui appartient de construire, dans sa tête, sa propre enquête. Gageons déjà que l’image du Valais qu’il en retiendra lui sera d’un grand secours s’il cherche, comme nous l’avons fait, à mieux comprendre le canton et ses habitants.

Le livre commence par le reportage d’un photographe au sommet de son art sur l’accession de la première Valaisanne à la présidence du Grand Conseil. Il se termine par le regard que porte un photographe devenu éboueur sur son propre métier. Dans la bouche du moderne Moloch, l’homme entame la destruction des déchets. Alors que l’Enquête a tout fait pour que ses œuvres durent, il lui plaît que cette image suive le destin de toutes les autres et que, contrairement au sujet représenté, elle ait un avenir dans les yeux et la tête des Valaisans. Pour que la boucle accomplisse son destin de boucle. Provisoirement.